Management toxique : de quoi s’agit-il, et comment y faire face ?
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En entreprise, on a tendance à parler de management toxique dès lors que les comportements d’un manager génèrent un certain mal-être chez nous. Mais d’où viennent réellement ces comportements ? Sont-ils le fait du manager ou de l’organisation ? Et comment y mettre fin une bonne fois pour toutes ?
Pour approfondir ces questions, nous avons interrogé Emmanuel Levard, fondateur d’Ivolve. Ivolve est un organisme de formation et un cabinet de conseil qui aide les organisations à mettre en place l’Holacratie, un modèle de gouvernance qui permet de clarifier les rôles, les processus de travail et la façon dont l’autorité est distribuée dans l’organisation.
Dans cet article, Emmanuel Levard nous explique comment repérer et gérer un manager toxique grâce à un levier clé : la transparence ! Ces bonnes pratiques s’adressent à la fois aux managers, aux équipes de direction (notamment RH) et aux collaborateurs. Alors quel que soit votre profil, lisez bien ce qui suit : on vous garantit que cela vous sera utile !
Le management toxique, un problème organisationnel et non individuel
« Il est difficile de mettre une définition derrière le terme de “management toxique”, parce qu’il peut prendre plusieurs formes, et que chacun a sa propre vision de ce qu’est un manager toxique. Plutôt que de parler de management toxique, je vous incite donc à nommer les pratiques managériales que vous considérez comme toxiques. Cela vous permettra d’être le plus objectif possible.
Bien souvent, on attribue ces comportements uniquement au manager. Alors que la majorité du temps, ils sont le fait de l’organisation. La question à vous poser n’est donc pas “comment gérer un manager toxique ?”, mais bien “qu’est-ce qui fait que ces comportements existent dans mon organisation ?”.
On peut l’observer avec France Télécom : c’était bien dans l’ensemble de l’organisation que des risques psychosociaux étaient générés, et non seulement chez des individus isolés », explique Emmanuel Levard.

D’où viennent les comportements toxiques en entreprise ?
En entreprise, les comportements toxiques peuvent être dûs à trois problématiques différentes.
1. Les difficultés structurelles
« Tout d’abord, ils peuvent venir de difficultés structurelles, c’est-à-dire liées à la structure et au fonctionnement de l’organisation. Celles-ci sont souvent liées à un manque de clarté sur les rôles, les responsabilités, les droits et les devoirs du manager.
Par exemple, on confond souvent fonctions managériales (comme la gestion d’équipe) et fonctions RH (comme les évaluations annuelles ou la rémunération). Cela peut donner l’impression que les managers ont un pouvoir de direction, alors que juridiquement, seul l’employeur en a la capacité via le contrat de travail », révèle le fondateur.
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2. Les difficultés opérationnelles
« Les comportements managériaux toxiques peuvent également être dûs à des difficultés opérationnelles, en lien avec le pilotage de l’activité et la gestion d’équipe. Celles-ci peuvent venir d’un manque d’accompagnement et de formation des managers, ou d’un manque de clarté sur les attentes opérationnelles. Pour y remédier, il est crucial de travailler sur plusieurs axes : pilotage dynamique, devoirs de coopération, transparence et priorisation du travail. »
3. Les difficultés interpersonnelles
« Une fois les problèmes structurels et opérationnels résolus, les tensions restantes sont souvent d’ordre interpersonnel : incompréhensions, conflits de personnalité ou communication défaillante. Elles résultent souvent d’un manque de compétences psychosociales (cognitives, émotionnelles et sociales), et peuvent donc se résoudre avec des formations et du coaching. »
Lire aussi : [Parole d’expert] Pourquoi et comment devenir un manager bienveillant ?
Comment réagir face à des comportements toxique ?
Si vous êtes confronté(e) un manager qui a des comportements toxiques, pas de panique : ces conseils devraient vous aider à gérer au mieux la situation.
- « Identifiez et nommez les comportements toxiques en question. Comment adresser un comportement qui n'a pas été identifié ? Avant d'essayer de le changer, nommez-le ! »
- « Demandez-vous si ces comportements sont autorisés ou non par la loi et/ou par le cadre de l’entreprise.
- S’ils sont illégaux (par exemple, votre manager vous demande de travailler jusqu’à 22h), appuyez-vous sur le cadre légal en vigueur.
- S’ils sont légaux, mais non autorisés par le cadre de l’entreprise (par exemple, votre manager vous crie dessus en réunion), demandez-vous pourquoi ce cadre laisse place à du management toxique, et comment faire pour éviter cela.
- S’ils sont légaux et autorisés par le cadre de l’entreprise (par exemple, un manager qui micro-manage ses équipes), réfléchissez à comment clarifier et renforcer les règles internes pour éviter de tels écarts à l’avenir.
Si la personne qui a ce comportement est votre propre manager, je vous conseille d’identifier qui dans l’organisation est redevable de vous aider dans cette situation (par exemple, les délégués du personnel). Si c’est un problème interpersonnel, vous pouvez également soumettre des propositions à votre manager pour régler la situation », propose Emmanuel Levard.
- Interrogez-vous sur votre propre protection. Remettre en question le cadre de l’entreprise est crucial, mais il est tout aussi essentiel de vous interroger sur vos propres choix. « Si vous êtes dans un environnement dysfonctionnel où l'organisation n'est pas claire et que personne ne peut vous aider, demandez-vous : qu’est-ce qui fait que je reste à cet endroit ? »
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Comment poser un cadre ?
Vous l’avez compris : s’appuyer sur un cadre est essentiel pour nommer et transformer les comportements toxiques. Mais alors, comment s’y prendre ?
Rendre l’implicite explicite
« Une entreprise est généralement régie par un ensemble de règles implicites et explicites. Pour adresser les comportements toxiques, il faut rendre ce fonctionnement le plus visible possible, et ce avant même de mettre en place de nouvelles règles. Idéalement, cet exercice doit se faire à un moment qui n’est pas tensif », précise Emmanuel Levard.
Clarifier les attentes vis-à-vis des managers
« Il faut arrêter de croire qu’un manager, c’est à la fois le meilleur pilote d’activité, le meilleur coach, le meilleur leader et le meilleur opérationnel. Très peu de personnes sont capables d’avoir toutes ces compétences. Pour limiter l’apparition de comportements toxiques, il faut définir clairement ce qui est attendu de chaque manager, et ce qui relève ou non de ses responsabilités. »
Lire aussi : Managers : 10 bonnes résolutions à prendre en 2025
Faire des accords relationnels
« Ces accords permettent de formaliser les comportements relationnels attendus de chaque membre de l’équipe (manager inclus), et ainsi de se défaire des attentes implicites ou émotionnelles envers les autres. On peut les définir de manière collaborative au sein de l’équipe, ou bien via un processus de médiation collective (qui consiste à faire faire appel une personne externe).
Je me rappelle d’une fois où nous avons utilisé ces accords chez un client pour régler des problèmes de collaboration avec un membre de l’équipe. La personne en question éprouvait des difficultés dans ses interactions avec les autres en raison de sa sensibilité liée au spectre autistique, mais n’en avait jamais parlé à ses collègues. Grâce aux accords relationnels, elle a pu en parler avec son manager. Cela a permis à l’équipe de mieux comprendre les comportements qu’elle avait, et de repartir sur des bases saines. »
Se doter des bons outils
« Enfin, pour limiter le management toxique, il faut outiller vos équipes. Avec des outils comme Talkspirit, vous pouvez apporter de la clarté sur les rôles et structurer les processus de prise de décision. Résultat : les tensions sont traitées plus rapidement, et les comportements toxiques se font plus rares », observe Emmanuel Levard.

Avec Talkspirit, vous pouvez par exemple :
- Visualiser clairement la structure de votre organisation, les responsabilités et les redevabilités de chaque rôle.
- Documenter les processus, les politiques, les objectifs d’entreprise et d’équipe, et les rendre visibles à l’ensemble de l’organisation.
- Mettre en place des processus de prise de décision par consentement, pour donner une voix à chaque collaborateur.
- Apporter une structure claire à vos réunions, et rendre les comptes-rendus accessibles à tous.
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L’approche Ivolve pour résoudre les tensions
« Chez Ivolve, nous proposons différents types d’accompagnement pour aider les organisations à mettre fin au management toxique.
Si les conflits sont trop importants pour être résolus en interne, nous intervenons à travers des journées d’accompagnement dédiées à la supervision collective. Ces sessions permettent de mettre en lumière toutes les problématiques rencontrées par les équipes, pour ensuite les traiter une par une. Plutôt que de présumer des solutions, nous partons de ces difficultés pour construire des propositions adaptées. Certaines vont trouver un chemin structurel, tandis que d’autres vont trouver un chemin opérationnel ou d’accord relationnel.
Lorsque l’organisation souhaite faire évoluer ses pratiques, mais ne rencontre pas de conflits majeurs, elle fait appel à nous pour l’accompagner dans sa transformation organisationnelle. C’est une opportunité pour clarifier les rôles, faire évoluer durablement les comportements et traiter des tensions latentes parfois présentes depuis longtemps », affirme le fondateur.
Lire aussi : [Parole d’expert] Comment réussir une transformation RH ?
L’importance d’instaurer un climat de confiance
« La plupart des individus, lorsqu’on leur annonce un changement, n’y croient pas immédiatement. Pour faire évoluer les pratiques, il est donc indispensable d’instaurer un climat de confiance. Cette confiance se construit à travers des expériences concrètes et positives. Par exemple, si l’on me dit que mes tensions seront traitées, je n’y croirai que si les tensions soulevées (par moi ou par d’autres) sont bien traitées. Avec le temps, cela crée un niveau de sécurité psychologique suffisant pour aborder les véritables sujets de tension.
La confiance repose avant tout sur l’organisation elle-même, et non sur les individus. Il est donc crucial que les paroles soient suivies d’actions, et que les problématiques soulevées soient réellement prises au sérieux.
Un des grands défis rencontrés dans les organisations ayant adopté l’Holacratie, la Sociocratie ou le mode Opale est que les promesses initiales ne sont pas toujours respectées. Par exemple, il est souvent affirmé qu’il n’y aura plus de managers, alors qu’en pratique, quelqu’un doit toujours superviser le travail. Ce décalage entre le discours et la réalité peut alimenter la méfiance des collaborateurs envers l’organisation. »
PS : pour en savoir plus sur ces modèles de gouvernance, nous vous invitons à consulter “Le guide ultime des modèles organisationnels”.
Pour conclure
« Face à des comportements toxiques, posez-vous deux questions :
- Est-ce que je crois que mon organisation peut ou veut arrêter ce genre de comportements ?
- Si oui, où puis-je être soutenu(e) ? Et si non, qu’est-ce qui fait que je reste dans un environnement aussi toxique pour moi ?
S’il y a un peu de bon sens dans l’organisation, le simple fait de découvrir qu’un manager a des comportements toxiques va permettre d’adresser la situation », explique Emmanuel Levard. Nommer le problème est le premier pas pour le résoudre. Une fois que vous l’avez rendu explicite, vous pouvez apporter des solutions adaptées, notamment : clarifier les rôles, faire des accords relationnels, et mettre en place des outils comme Talkspirit.
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