Sandrine Delage, BNP Paribas : « Avec l’intrapreneuriat, la transformation est portée par les collaborateurs eux-mêmes »
Temps de lecture: 4 minutes
L’intrapreneuriat se développe dans de nombreux grands groupes, comme chez BNP Paribas. Ce type de dispositifs qui permet aux collaborateurs de devenir entrepreneurs internes, tout en bénéficiant du soutien de l’entreprise, est bénéfique pour tout le monde. C’est même un excellent levier de transformation de l’entreprise, nous expliquait récemment Sandrine Delage, intrapreneure chez BNP Paribas. Entretien.
Bonjour Sandrine, vous êtes intrapreneure chez BNP Paribas. Racontez-nous,ça consiste en quoi ?
Je suis responsable d’un laboratoire d’apprentissages chez BNP Paribas qui s’appelle Change Makers & Prospective. Nous y développons notamment l’acculturation digitale avec le dispositif EnjoyDigitAll. Celui-ci consiste en un volet externe, avec un compte Twitter sur lequel nous partageons des bonnes pratiques, et un volet interne, avec l’organisation d’ateliers réalisés par des collaborateurs eux-mêmes sur des thématiques comme l’intelligence artificielle, les chatbots… Il s’agit de démystifier et rendre accessible le digital avec les collaborateurs.
C’est ce projet que j’ai développé il y a 4 ans en tant qu’intrapreneure. Mon but était de lutter contre la fracture numérique, qui concerne également les salariés des grands groupes. J’étais très sensible à la fois à la puissance du digital et à ce que cela représente de se sentir exclu.
Le digitalpeut être très accessible, à condition d’être accompagné en « modetribu ». C’est ce qui m’a aussi poussé à écrire sur le sujet : j’aicréé un blog avec ma fille, afin d’apporter un regard croisé etintergénérationnel sur le sujet.
Depuis en parallèle, j’ai pris la responsabilité du People’sLab4Good, le programme d’intrapreneuriat du Groupe, qui accueille des collaborateurs porteurs de projets à impact positif ; l’un des enjeux est d’explorer de nouveaux modèles économiques qui répondent aux attentes sociétales d’une part et environnementales d’autre part. Cette recherche de nouveaux modèles économiques me rappelle les débuts de la révolution digitale avec le questionnement de la rentabilité au moment de l’arrivée d’Internet.
Intrapreneuriat, quel rapport avec la transformation digitale ?
Sandrine Delage. L’intrapreneur est aucœur de la transformation et de l’innovation. Ici, le changement vient d’uncollaborateur qui va combiner convictions personnelles et professionnelles pourproposer un produit innovant. C’est en cela que la transformation est portéepar les collaborateurs eux-mêmes et c’est ce qui fait toute la différence !
Pensez-vous que les entreprises qui valorisent l’intrapreneuriat accélèrentleur transformation digitale ?
Sandrine Delage. Oui forcément. Elles accélèrent leur transformation tout court !
Età 3 niveaux :
- d’un point de vue business : l’intrapreneuriat explorede nouveaux modèles économiques, par exemple autour de l’usage et del’abonnement plutôt que l’achat/vente traditionnel…
- d’un point de vue engagement : un intrapreneur est en connexion avec une centaine de personnes dans l’entreprise : collègues, managers, membres du comex, etc. Il fait ainsi rayonner son projet sur tous les services et devient un agent du changement
- d’un point de vue méthodologie startup : un intrapreneur comme un entrepreneur utilise des méthodologies de type startup permettant de donner une nouvelle compréhension des besoins et de son environnement. Il insuffle donc une nouvelle culture et de nouvelles pratiques dans la manière dont sont conduits les projets.
Tout cela facilite la transformation. l’intrapreneuriat permet de devenir acteur d’une transformation à la fois individuelle et collective.
Mais concrètement, cela change quoi pour ces entreprises au quotidien ?
Sandrine Delage. Beaucoup de choses ! Je crois tout d’abord que la transformation au cœur de l’opérationnel par la solution innovante portée par l’intrapreneur.
Lire aussi : Merete Buljo : « Pour réussir sa transmutation digitale, il faut être prêt à se remettre totalement en question »
Eninterne chez BNP Paribas, nous avons ce que nous appelons des « sponsors », desmanagers décisionnaires qui achètent les projets, sur le même principe qu’unelevée de fonds, sauf que c’est en interne. Les intrapreneurs doivent aller, en interne, à la rencontre deces managers et promouvoir auprès d’euxla solution qu’ils souhaitent lancer pour qu’à terme ces derniers financentleur projet. En acceptant de soutenir des projets différents et innovants, lesmanagers deviennent ambassadeurs du projet. Une chaine de Change Makers se créeà tous les niveaux .
Il me semble aussi que le développement de structuresd’intrapreneuriat concrétise la conviction de l’entreprise que lescollaborateurs peuvent être des acteurs de la transformation. Chez BNP Paribas,il y a plusieurs structures d’intrapreneuriat dans les métiers ainsi que le programmetransverse groupe, le People’sLab4Good, qui permet aux porteurs de projets deprototyper leur idée à impact positif et de créer un écosystème interne quileur permettra de le déployer. Nous proposons un vrai temps de formation, avec desstructures d’accompagnement variées. Parce qu’il est difficile pour unintrapreneur d’être seul à ses débuts.
Est-ce difficile d’être intrapreneur ?
Difficile,ce n’est pas le terme que j’utiliserais. L’intrapreneur doit être engagé. Ildonne du sens à son travail, il prouve qu’il est utile et aligné. Et grâce àcette force, cette puissance, il arrive à convaincre les autres. Mais bien sûr,cela nécessite un gros investissement.
Intrapreneur, entrepreneur, quelles différences ?
Sandrine Delage. Je dirais que c’esttrès semblable à un entrepreneur. Entre les deux termes, il n’y a qu’une seulelettre qui change ! ll y a quand même des différences. Pour les intrapreneurs,ce qui peut être difficile, c’est de ne pas être à 100 % sur le projet àses débuts. Il prend les rênes de l’intrapreneuriat par palier. Lesintrapreneurs ont aussi le support financier de l’entreprise et conservent lasécurité de l’emploi, ce qui constitue une différence fondamentale. Mais celamis à part : c’est très proche. Nous avons les mêmes méthodologies detravail, les mêmes étapes et les mêmes moments de doutes aussi !
Si vous n’aviez qu’un seul conseil à donner aux entreprises, lequel serait-il ? l’intrapreneuriat pour tous?
Sandrine Delage. Oui pourquoi pas ! Car chacun est en mesure d’être acteur en proposant des idées et des solutions concrètes. Mais mon conseil, c’est surtout de réfléchir au sens. Si une entreprise n’est pas engagée sur le sens de sa transformation, il sera difficile d’engager les collaborateurs. Le sens, c’est le préalable indispensable à toute transformation. Et il est enthousiasmant d’observer que la transformation digitale n’est qu’une étape et que nous sommes déjà dans la révolution suivante, celle de l’impact positif. Ces deux révolutions sont liées. Le digital nous permet de créer du lien avec la capacité d’accélérer les interactions. Et l’impact positif, c’est la capacité à prendre en compte l’ensemble des parties prenantes dont la société et la planète. Tout s’aligne. Du digital à l’impact positif, il n’y a qu’un pas.